Les personnages de Sillery : Eileen Reid Marcil

Votre capsule historique hebdomadaire : Eileen Reid Marcil

Nous profitons de la Journée internationale des droits des femmes pour débuter notre série de capsules sur les personnages de Sillery en honorant une femme qui a écrit l’histoire, une historienne d’exception : madame Eileen Reid Marcil. Nous voulons honorer une femme exceptionnelle, toujours vivante, qui a longtemps habité Sillery, puis Charlesbourg et finalement, depuis quelques années, Westmount. Mais c’est au Royaume-Uni qu’elle est née, en 1922, de parents péruviens d’origines ethniques européennes multiples.

Eileen Reid Marcil

En 1920, à la suite de problèmes économiques et sociaux, ses parents émigrent vers le Royaume-Uni où est déjà installée la sœur de son père en attendant de trouver un travail à Londres en 1921. C’est donc dans la capitale britannique qu’elle naît en juin 1922 et où elle fera ses études primaires et secondaires. Lorsqu’il est temps pour elle d’entrer à l’université, la guerre fait rage et les universités londoniennes sont obligées de fermer. Londres entre ensuite dans une série de bombardements aériens par les forces allemandes stationnées dans la côte atlantique de la France occupée. C’est alors qu’elle rencontre un jeune officier de la marine canadienne : Georges Marcil. En août 1942, ils s’épousent à Hove dans le Sussex. Un entrefilet du journal La Presse de Montréal le 8 août 1942 donne une courte description de la cérémonie. Le couple habitera le Royaume-Uni pendant le restant de la guerre et les quelques années qui suivront. Lorsque son père prend sa retraite, il retourne au Pérou où toute la famille : madame Reid, monsieur Marcil et leurs trois jeunes enfants le rejoignent pour 3 ans.

En 1951, George Marcil revient au Québec avec femme et enfants, puis s’installe à Sillery, avenue du Buisson. Monsieur Marcil est venu s’établir à Québec, car son frère qui a une entreprise de prêt hypothécaire à Montréal cherche une personne de confiance pour gérer la succursale qu’il veut établir à Québec. En 1954, il fait construire une nouvelle maison sur l’avenue Pasteur. Leurs enfants vont à l’école Bishop Mountain School du chemin Saint-Louis, puis à Québec High School. L’école française leur est alors interdite puisque nés de parents de confessions religieuses différentes, ils n’ont pas été baptisés catholiques.

En 1970, Georges Marcil prend sa retraite afin de se consacrer à ses passions : la sculpture et la peinture. N’ayant plus d’emploi, les enfants étant tous partis de la maison, le couple Reid-Marcil vend la maison et avec les quelques profits réalisés, cherche un endroit où s’établir. Ils trouvent cette maison à Charlesbourg, avenue du Maine. C’est dans la maison Jobin-Bédard, datant de la fin du XVII e siècle que le couple vivra jusqu’à la mort de monsieur Marcil, puis jusqu’en décembre 2018 alors que madame Reid Marcil la vend. En décembre 2020, le ministère de la Culture et des Communications classe la maison comme bien patrimonial. C’est une fois déménagée à Charlesbourg que l’histoire vient chercher madame Reid Marcil. Afin de permettre à son époux de travailler son art, elle devient secrétaire dans un bureau d’avocats de la Grande-Allée, chargée de faire des recherches en archives afin de trouver des actes de propriété. Elle fera de même avec la maison de l’avenue du Maine, retraçant son histoire jusqu’en 1630 (acte d’achat du terrain par les Récollets), puis de la construction de la maison entre 1698 Maison Georges Marcil, avenue Pasteur (G. Marcil) et 1703. Ses recherches l’amènent à travailler comme recherchiste avec Isaak Richardson de Parcs Canada. Après les deux ans à travailler sur un livre, elle reçoit un contrat du Musée de l’Homme (Musée des civilisations, puis maintenant Musée canadien de l’Histoire). À la suite de ce contrat, elle publie Les tonneliers au Québec du XVII e au XX e siècle.

C’est alors que Jean Hamelin, directeur du département d’histoire de l’Université Laval, l’approche pour qu’elle s’inscrive au doctorat en histoire. N’ayant pu terminer sa scolarité au Royaume-Uni à cause de la fermeture des universités pendant la guerre, elle n’a ni baccalauréat ni maîtrise. Jean Hamelin lui suggère alors de suivre quelques cours, de faire créditer son livre comme maîtrise et de s’inscrire au doctorat afin de travailler sur les chantiers navals à Québec. En 1977, à l’âge de 57 ans, elle entreprend donc ses recherches. Elle y travaillera pendant 8 ans, recevant, son diplôme le jour même de son 65 e anniversaire. Doctorat en main, elle décide de transformer sa thèse en livre. Il lui faudra 5 ans avant de faire éditer son livre The Charley-Man, A History of Wooden Shipbuilding at Quebec 1763-1893. Tous les éditeurs du Québec refusent de publier son doctorat, c’est donc un éditeur de Kitchener (Ontario) qui le fera. Les années suivantes seront consacrées à traduire et adapter le livre en français.

Entre-temps, elle obtient un contrat d’historienne, ayant son bureau dans les locaux de la compagnie aux Chantiers Davie de Lévis. C’est là qu’elle écrit son troisième livre, portant sur Elizabeth Davie. Le livre est publié en anglais, puis adapté en français. Par exemple, les contrats utilisés dans la version anglaise sont ceux d’anglophones, alors que dans la version française, ce sont des contrats d’apprentis francophones.

En 2013, Eileen Reid Marcil est approchée afin de parler aux élèves de secondaire 1 et 2 des chantiers maritimes. Il en sort 5 petits livres en français de 100 à 125 pages publiés chez Gide, un 6e par un autre éditeur. En août 2020, alors qu’elle a 98 ans, elle publie un nouveau livre en anglais The PS Royal William : The First True Transatlantic Steamer. Actuellement elle travaille sur 3 autres publications : une adaptation anglaise complète des livres pour le secondaire ; une histoire de sa famille (les tomes des origines à 1920, puis de 1920 à 1945 étant parus, elle voudrait faire celle depuis 1945) ; un ouvrage sur les tableaux de son époux, Georges Marcil.

Historienne chevronnée, madame Eileen Reid Marcil a remis à la Société d’histoire de Sillery, alors qu’elle s’apprêtait à déménager, deux grands miroirs dorés en provenance de la villa Bagatelle, et acquis lors d’un encan à la villa dans les années 1960, ainsi que l’ensemble de ses archives concernant la construction navale. La Société d’histoire de Sillery est depuis, une référence pour les recherches sur l’industrie de la construction maritime, tant au Québec qu’au Canada, mais aussi un peu partout dans le monde. Nous avons ainsi près de 200 livres traitant du sujet, mais aussi de sujets connexes comme l’histoire de la Lloyds, le commerce des navires entre la Grande-Bretagne et le Canada, tant en français qu’en anglais et en espagnol. Cette collection de livres, anciens et récents sont complétés par près d’un millier de dossiers sur les constructeurs navals, sur les armateurs, sur les métiers de la construction navale. Cela s’ajoute aux dizaines d’objets touchant les métiers de la construction navale qui nous ont été légués et qui devraient bientôt pouvoir faire l’objet d’une exposition permanente dans les locaux de la Société d’histoire de Sillery.

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