Les grandes femmes de l’histoire de Sillery

Votre capsule historique hebdomadaire : les grandes femmes de l’histoire de Sillery!

La Société d’histoire de Sillery aimerait prendre le temps de reconnaître la Journée internationale des droits des femmes en vous présentant quelques femmes qui ont contribué à l’histoire de Sillery.  

Un trio de botanistes 

En plein cœur de la première moitié du XIXe siècle, un important trio de brillantes femmes férues d’histoire naturelle et de littérature vit à Sillery. Il s’agit de Lady Harriet Sheppard (née Campbell), Lady Christian Broun, comtesse de Dalhousie et Lady Anne Mary Perceval (née Flower).  

Tout d’abord, Lady Harriet Sheppard est la femme de l’homme d’affaires William Sheppard qui est propriétaire du domaine Woodfield, situé où l’actuel cimetière Saint-Patrick. Lady Christian Dalhousie vit quant à elle au château Saint-Louis avec son mari, George Ramsay, 9e comte de Dalhousie. Finalement, Lady Anne Mary Perceval est la châtelaine de Spencer Wood, le fameux Bois-de-Coulonge d’aujourd’hui, Anne Mary et Harriet sont donc voisine dès 1816 et se lient rapidement d’amitié et collaborent sur plusieurs projets dans le milieu botaniste. 

Anne Mary Perceval aurait découvert pas moins de 150 nouvelles espèces de plantes d’Amérique à travers sa carrière. Sa collection attire l’attention du milieu scientifique et plus particulièrement celle de William Hooker, grand botaniste anglais du XIXe siècle. Encore aujourd’hui, dans l’herbier du Muséum d’histoire naturelle à Paris, on retrouve des spécimens d’Anne Mary Perceval notamment du vératre vert, une espèce illustrée pour la première fois par le missionnaire jésuite Louis Nicolas au XVIIe siècle. Les accomplissements d’Harriet Sheppard sont tout autant prolifiques. Dans l’ouvrage général de la flore du Nouveau Monde Flora boreali-americana écrit par ce même William Jackson Hooker, on recense 153 spécimens avec la mention Mrs Sheppard. En 1829, Harriet publie un article dans les premiers comptes rendus de la Literary and Historical Society of Quebec. Dans cette étude, elle décrit des coquillages de la région de Québec. Quelques années plus tard, elle publie des observations sur les chants des oiseaux du Canada. Elle est une pionnière au Canada pour ce genre de publications savantes tout en étant l’une des seules femmes qui publient à cette époque dans les comptes rendus de la Literary and Historical Society of Quebec. La comtesse Dalhousie est également pionnière en publiant en 1829 dans les Transactions de la Literary and Historical Society of Quebec un article énumérant ses récoltes de plantes. Son article est en fait une impressionnante liste des 381 plantes qu’elle récolté en 1827.   

Ces trois femmes ont réellement mis Sillery au centre des découvertes en horticulture et botanique à cette période.  

 

Elizabeth Mackenzie Turnbull et la villa Clermont 

En 1831, l’Honorable William Walker vend son domaine qui était situé à l’ouest du domaine Cataraqui appartenant à James Forsyth. Quelques années plus tard, c’est-à-dire en 1845, ce même domaine subit une division et une des deux parties revient à l’Honorable René-Édouard Caron, véritable fondateur du domaine Clermont. Celui-ci prend possession de l’entièreté du domaine en 1848. Trente-cinq ans après l’acquisition du domaine par l’Honorable René-Édouard Caron, le domaine Clermont est vendu au lieutenant-colonel James Ferdinand Turnbull, mais est payé par sa femme, dame Elizabeth McKenzie. Le couple y demeurera pendant une vingtaine d’années.  

Elizabeth Mackenzie est née dans une famille de sept enfants provenant du mariage entre James Mackenzie, né en Écosse le 28 décembre 1788, et d’Elizabeth Cameron, née à York en Ontario. Son père, à travers ses occupations de soldat, hôtelier, propriétaire et constructeur de navires, accumule une importante fortune qu’il lègue à ses enfants. Elizabeth Mackenzie se marie en 1867 à Pointe-Lévy avec le capitaine James Ferdinand Turnbull. En 1883, le couple achète le domaine malgré le fait qu’il serait beaucoup plus juste de dire que c’est madame Mackenzie Turnbull qui se chargea de la transaction. Or, le domaine revient quand même à son mari, désormais lieutenant-colonel. 

Madame Mackenzie Turnbull est particulièrement connue pour sa philanthropie qui a joué un rôle prépondérant dans le développement de la communauté anglophone, presbytérienne et écossaise. Dans son testament, elle lègue notamment 10 000 $ au « Ladies Protestant Home » de Quebec, 10 000 $ au Women’s Christian Association de Quebec, 10 000 $ à l’association du Mount Hermon Cemetery de Québec, 5 000 $ à l’église St Andrew’s de Québec, à être utilisé au besoin pour « The poor fund », 2 000 $ à l’église St Andrew’s devant servir à aménager une salle à être mise au service du « Sunday School ». De plus, elle lègue 5 000 $ à la Literary and Historical Society, 5 000 $ à l’église Chalmers-Wesley de la ville de Québec à ajouter au fonds nommé « Poor Fund », 5 000 $ au Young Men’s Christian Association de Québec, 5 000 $ à l’église Trinity Church de Québec et finalement, 5 000 $ à l’Auxiliary Bible Society de Québec. Cependant, sa plus grande contribution pour la ville de Québec est sans aucun doute ce qu’elle donnera au premier hôpital anglophone du Québec, le Jeffrey Hale/Saint Brigid’s Hospital, qui a ouvert ses portes en 1867, grâce aux dons de monsieur Jeffrey Hale. Visiblement profondément attachée au soutien de sa communauté, Elizabeth Mackenzie Turnbull lèguera à sa mort, la somme faramineuse de 500 000 $ à l’hôpital. Selon la Banque du Canada, 500 000 $ correspond aujourd’hui à 10 millions de dollars. 

Catherine Rhodes Thudor-Hart et le domaine Cataraqui 

James Bell Forsyth est un marchand de bois d’origine écossaise, mais il est né sur des terres appelées Katarokwen en iroquois qui aujourd’hui correspondent à Kingston en Ontario. Durant les années 1830, il décide de faire construire un cottage sur le domaine qu’il possède à Sillery et nomme son domaine de la même manière que le nom de la rivière qui s’écoulait sur le bord de sa ville natale, Cataraqui (ou Cataracoui).  

Catherine Rhodes est la fille adoptive de Godfrey William Rhodes et de Lily Jamison Rhodes. Son père adoptif décède en 1932 tandis que sa mère adoptive meurt en 1939. Elle devient dès lors la propriétaire du domaine de Cataraqui avec son mari, le peintre, Percyval Tudor-Hart, et y restera jusqu’à son décès en 1976. Période riche en termes de production artistique et culturelle, le couple Rhodes/Tudor-Hart s’impliquera également dans les relations politiques avec la France.  

Cataraqui est le seul domaine de l’arrondissement historique de Sillery qui ait conservé à la fois sa villa, ses dépendances et son parc aménagé. C’est pour cette raison qu’il semblait primordial d’éviter le lotissement domiciliaire, entraînant la démolition de la villa et des autres bâtiments. Pour cela, le gouvernement du Québec acquit Cataraqui en 1976 assurant ainsi sa protection.  

Le Collège Jésus-Marie de Sillery et Dina Bélanger  

Le terrain des religieuses de Jésus-Marie a premièrement été acheté au gouvernement en 1833 par William George et Henry Pemberton, propriétaires de chantiers navals de la pointe à Puiseaux. Cependant, peu de temps après soi en 1849, le notaire Errol Boyd Lindsay acquiert la vaste propriété et la nomme Sous-les-Bois. L’autre côté de la rive, les religieuses de Jésus-Marie, qui sont établies dans la paroisse de Saint-Joseph de Lévis depuis 1855, se voient accueillies par l’abbé Joseph-Honoré Routier, curé de Lauzon, qui fonde un couvent pour leur congrégation. En 1869, grâce à un généreux donateur anonyme, le curé Routier achète le domaine au notaire Errol Boyd Lindsay et le donne sans attendre aux religieuses de Jésus-Marie.  

Le couvent se fait donc construire immédiatement et le 25 août 1870, elles peuvent s’installer dans leur maison provinciale, disposant dès lors d’un pensionnat et d’une école. Cent treize ans plus tard, le 13 mai 1983, un terrible incendie ravage le couvent n’épargnant que quelques bâtiments secondaires. Ne se laissant pas abattre, elles réussissent à inaugurer l’année suivante un vaste collège à l’emplacement du premier couvent.  

Dina Bélanger naquit le 30 avril 1897 et fut baptisée le même jour à Québec. Musicienne prolifique, son désir latent de se rapprocher du christ, datant de son enfance, ne peut être négligé. À l’âge de 24 ans, elle décide de tout quitter pour entrer au couvent Jésus-Marie de Sillery en août 1921. Deux ans plus tard, le 15 août 1923, elle fait de la religion sa profession se nommant désormais Marie Sainte-Cécile-de-Rome. Elle aura par la suite comme mandat d’enseigner la musique au couvent Jésus-Marie de Saint-Michel-de-Bellechasse, mais elle ne pourra y rester cinq semaines seulement. Dina Bélanger contracte la fièvre scarlatine après avoir soigné une malade. Elle n’a pas d’autres choix que de revenir au couvent de Sillery, mais sa condition ne s’améliore guère, la fièvre se transforme en tuberculose due à la faible condition physique de la souffrante. Elle décède à l’âge de 32 ans, le 4 septembre 1929. Dès 1939, à Québec, on commence un procès diocésain pour sa béatification. Elle est déclarée bienheureuse par le pape Jean-Paul II en 1993. Depuis mai 1990, son tombeau se trouve dans la chapelle de la maison provinciale de Jésus-Marie à Sillery. 

Photos: Dina Bélanger (creative common) / Portrait d’Ann Mary Perceval (1809) par Mackenzie d’après Thomas Nugent / The British Museum

Bibliographie  

 ASSELIN, Alain et al. Curieuses histoires de plantes du Canada, 1760-1867. Québec, Septentrion, tome 3, 2017, 272 pages.  

 BERNIER, André. Le Vieux-Sillery. Québec, Les cahiers du patrimoine, Ministère des affaires culturelles, 1977, 167 pages. 

 Elizabeth Arthur, « MABANE, ADAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 juill. 2018, http://www.biographi.ca/fr/bio/mabane_adam_4F.html. 

 Ghislaine Boucher, « BÉLANGER, DINA, dite Marie Sainte-Cécile-de-Rome », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 26 juin 2018, http://www.biographi.ca/fr/bio/belanger_dina_15F.html. 

 GIROUX, Marina et Frédéric BONIN. Biographies de Dame Élizabeth McKenzie et James Ferdinand Turnbull, La Charcotte vol. 30, nº 1, p. 6 à 11 

 GIROUX, Marina et Frédéric BONIN. La villa Clermont, Histoire d’un domaine patrimonial d’exception. Québec, Les éditions Histoire Québec, 2016, 115 pages. 

 Histoire de raconter : La maison des jésuites de Sillery. Itinéraires histoire et patrimoine, Québec, Division de la culture, du loisir et de la vie communautaire de l’Arrondissement de Sainte-Foy-Sillery, 2008, 24 pages. 

 Histoire de raconter : L’arrondissement historique de Sillery. Itinéraires histoire et patrimoine, Québec, Division de la culture, du loisir et de la vie communautaire de l’Arrondissement de Sainte-Foy-Sillery, 2008, 44 pages. 

 LA SOCIÉTÉ DE CONSERVATION DE SILLERY. Mémoire sur l’avenir du domaine de Cataraqui situé dans l’arrondissement historique de Sillery présenté à la commission des biens culturels du Québec. 16 août 1983, 44 pages. 

 LEBEL, Jean-Marie. Catherine Rhodes Tudor-Hart, La dernière châtelaine de Cataraqui. Magazine Prestige, 4 octobre 2013, http://www.magazineprestige.com/Catherine-Rhodes-Tudor-Hart-La-derniere-chatelaine-de-Cataraqui 

 Lorraine McMullen, « MOORE, FRANCES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 juill. 2018, http://www.biographi.ca/fr/bio/moore_frances_4F.html. 

 Peter Burroughs, « RAMSAY, GEORGE, 9e comte de DALHOUSIE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 juill. 2018, http://www.biographi.ca/fr/bio/ramsay_george_7F.html. 

 Pierre Savard, « SHEPPARD, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 juill. 2018, http://www.biographi.ca/fr/bio/sheppard_william_9F.html. 

SMITH, Frédéric. Cataraqui : Histoire d’une villa anglaise à Sillery, Les publications du Québec, Québec, 2001, 131 pages.