Les fouilles archéologiques à Soloi par l’Université Laval
Votre capsule historique hebdomadaire : les recherches archéologique menées par l’Université Laval à Soloi !
Dans la foulée de la thématique sur les grandes fouilles archéologiques au Québec et ailleurs, nous présentons aujourd’hui un aperçu des recherches menées par l’Université Laval entre 1964 et 1974 à Soloi, sur l’île de Chypre.
Une cité-État antique
Au fil des décennies, des archéologues ont mis en évidence les imposants vestiges de Soloi, ancienne cité antique située au nord-ouest de l’île de Chypre. Aujourd’hui disparue, cette cité a fort probablement été occupée entre la fin de l’Âge du Fer en Europe et la fin du XVIe siècle de notre ère. Selon les archéologues, la fondation de la ville serait antérieure au VIe siècle av. notre ère, puisqu’elle était déjà dotée, selon les sources, d’imposantes fortifications et d’un palais impérial. Durant l’époque classique, Soloi est l’une des plus puissantes cités-États de Chypre : la présence de mines de cuivre à proximité lui permet de commercer avec d’autres cités de la méditerranée. Dans ce contexte, il est fort probable qu’une flotte militaire est responsable de la protection des marchandises importées dans la ville. Bien que l’île est envahie au Ve siècle av. notre ère par Darius 1er, Grand roi des Perses, Soloi demeure fidèle aux traditions hellénistiques. Cela peut se manifester à travers l’habillement, la langue, la monnaie, les modes de fabrication des objets, mais également par les conceptions mythologiques, les rites et certaines pratiques.
Vers 50 avant notre ère, Soloi passe sous domination romaine. Ses habitants y construisent, entre autres, un théâtre pouvant accueillir jusqu’à 3500 spectateurs. Rapidement, Soloi devient l’une des premières villes de l’île à être christianisée, soit dès le 1er siècle de notre ère. C’est saint Auxibius, premier évêque de Chypre qui introduit la religion catholique avec l’aide des apôtres Marc et Paul. Au IVe siècle, une basilique est implantée sur une terrasse à une vingtaine de mètres au-dessus du niveau de la mer. Une seconde basilique la remplace au VIIIe siècle, possiblement en raison de l’accroissement du nombre de fidèles. Dès lors, jusqu’à l’invasion arabe que connaît Chypre au VIIe siècle de notre ère, il est juste de conclure que Soloi représentait l’une des plus importantes cités de l’île. C’est toutefois à compter du XIVe siècle que la ville est progressivement abandonnée, et ce, lorsque les mines de cuivre cessent d’être exploitées. Au milieu du XIX siècle, des pierres de certains bâtiments antiques sont utilisées par les Britanniques pour la construction de Port-Saïd et du canal de Suez.
Les fouilles archéologiques de l’Université Laval : découvertes effectuées
En 1964, une équipe de chercheurs dirigée par Jean Des Gagniers, professeur d’archéologie de l’Université Laval, est mandatée par le Département des Antiquités de Chypre afin d’effectuer des fouilles sur le site de Soloi. Pendant les 10 ans qu’ont durés les recherches, un certain nombre de monuments emblématiques et représentatifs de diverses périodes de l’histoire chypriote sont mis au jour. Les traces de l’occupation romaine à partir de 51-50 av. n.è, des bâtiments de l’époque archaïque, un édifice de la période classique ainsi que les vestiges des basiliques paléochrétiennes ont été découverts. Au début des années 1970 les fouilles se concentrent sur la ville haute, c’est-à-dire sur le site du palais impérial érigé entre 325 et 50 av. n.è. Simultanément, les chercheurs commencent les fouilles des nécropoles (littéralement « cité des morts »; cimetières). Jusqu’en 1967, douze tombes sont ouvertes, offrant une grande quantité de vases, de bijoux et de figurines en céramique. Après une courte interruption en 1968 destinée à compiler la grande quantité de matériel retrouvé, quatorze tombes sont fouillées, tout comme deux fosses en 1969 et 1970.
Un climat politique instable
Bien qu’un certain nombre de monuments d’importance aient été mis au jour par l’équipe de Jean Des Gagniers, les recherches n’ont pu être complétées, et ce, en raison du contexte géopolitique instable à Chypre. Reconnue depuis 1960 comme État indépendant du Royaume-Uni, l’île d’Aphrodite fait effectivement l’objet, à ce moment, de revendications territoriales, politiques et identitaires des communautés chypriotes turques et chypriotes grecques. C’est en 1964, après une escalade de violences et d’hostilité entre ces groupes, qu’un contingent pour le maintien de la paix est envoyé par les Nations Unies. Durant dix ans, les Chypriotes vivent dans une paix relative et précaire sous la supervision de la communauté internationale. En 1974, un coup d’État éclate, celui-ci étant fomenté par des nationalistes grecs à l’endroit du président Makarios III, opposé à l’annexion de Chypre à la Grèce. En réponse à cet affront, la Turquie saisit le nord de l’île poussant près de 800 000 Chypriotes grecs à l’exil au sud de Chypre. Dès 1974, L’UNFICYP impose un cessez-le-feu et crée une zone tampon, dite la « ligne verte » ou « ligne Attila » mesurant plus de 180 kilomètres et divisant l’île en deux entités politiques distinctes. En 1989, la Turquie crée la République turque de Chypre du Nord et sera le seul pays à la reconnaître officiellement. De nos jours, la scission de l’île perdure, bien que seule la République de Chypre, c’est-à-dire l’état situé au sud, soit officiellement reconnue par la communauté internationale.
Il va sans dire que ce climat politique a de grands impacts sur les recherches archéologiques effectuées sur le site. Durant l’été 1974, l’invasion turque du nord de l’île met brusquement fin à dix ans de fouilles archéologiques, et ce, puisque le site de Soloi fait partie du territoire de la République turque (autoproclamée) de Chypre du Nord. Ce faisant, les archéologues ont dû abandonner des documents, des rapports et des plans contenant de précieuses informations sur les fouilles. Aujourd’hui, l’Université Laval possède dans ses collections ou dans ses laboratoires d’archéologies quelque 400 objets provenant de Chypre, que ce soient des vases, des figures ou des pièces de monnaie. Ceux-ci ont principalement été offerts par le directeur du Musée d’archéologie de Chypre ou achetés. Cette collection recèle une grande importance pour l’Université Laval étant donné qu’elle témoigne d’un pan important de son histoire, soit des débuts du développement des recherches et de l’enseignement de l’archéologie par cette institution.
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