Eileen Reid Marcil

Une historienne d’exception : Eileen Reid Marcil

Le 18 juin prochain, Mme Eileen Reid Marcil célébrera son centième anniversaire. Pour cette occasion, nous voulons honorer une femme exceptionnelle, toujours vivante, qui a longtemps habité Sillery, puis Charlesbourg et finalement à Westmount. Mme Reid Marcel est née au en 1922 de parents péruviens d’origines ethniques européennes multiples.

En 1920, à la suite de problèmes économiques et sociaux, ses parents émigrent vers le Royaume-Uni où est déjà installée la sœur de son père. Ce dernier trouve un travail à Londres en 1921. C’est donc dans la capitale britannique qu’elle naît en juin 1922 et où elle fera ses études primaires et secondaires. Toutefois, lorsqu’elle entre à l’université, la guerre fait rage et les universités londoniennes sont obligées de fermer. Londres entre ensuite dans une série de bombardements aériens par les forces allemandes stationnées dans la côte atlantique de la France occupée. À cette période, elle rencontre un jeune officier de la marine canadienne : Georges Marcil. En août 1942, ils s’épousent à Hove dans le Sussex. Un entrefilet du journal La Presse de Montréal le 8 août 1942 donne une courte description de la cérémonie. Le couple demeure au Royaume-Uni pendant le restant de la guerre et les quelques années qui suivront. Lorsque son père prend sa retraite, il retourne au Pérou où toute la famille habite. Madame Reid, monsieur Marcil et leurs trois jeunes enfants le rejoignent pour 3 ans.

En 1951, George Marcil et sa famille reviennent au Québec, puis s’installent à Sillery sur l’avenue du Buisson. Monsieur Marcil vient s’établir à Québec, car son frère qui a une entreprise de prêt hypothécaire à Montréal cherche une personne de confiance pour gérer la succursale qu’il veut établir à Québec. En 1954, George Marcil fait construire une nouvelle maison sur l’avenue Pasteur. Leurs enfants vont à l’école Bishop Mountain School du chemin Saint-Louis, puis à Québec High School. Ils ne fréquentent pas l’école française puisque nés de parents de confessions religieuses différentes, ils ne sont pas baptisés catholiques.

En 1970, Georges Marcil prend sa retraite afin de se consacrer à ses passions : la sculpture et la peinture. N’ayant plus d’emploi et les enfants étant tous partis de la maison, le couple Reid-Marcil vend la maison et cherche un endroit où s’établir. Ils trouvent une maison à Charlesbourg sur l’avenue du Maine. C’est dans la maison Jobin-Bédard, datant de la fin du XVIIe siècle que le couple vit jusqu’à la mort de monsieur Marcil, puis jusqu’en décembre 2018 alors que madame Reid Marcil la vend. En décembre 2020, le ministère de la Culture et des Communications classe la maison comme bien patrimonial. C’est une fois déménagée à Charlesbourg que l’histoire vient la chercher, madame Reid Marcil. Afin de permettre à son époux de pratiquer son art, elle devient secrétaire dans un bureau d’avocats de la Grande-Allée. Elle est notamment chargée d’effectuer des recherches en archives afin de trouver des actes de propriété. Elle fait de même avec la maison de l’avenue du Maine, retraçant son histoire jusqu’en 1630 (acte d’achat du terrain par les Récollets), puis de la construction de la maison Georges Marcil sur l’avenue Pasteur (G. Marcil), entre 1698 et 1703. Ses recherches l’amènent à travailler comme recherchiste avec Isaak Richardson de Parcs Canada. Après deux ans à travailler sur un livre, elle reçoit un contrat du Musée de l’Homme (Musée des civilisations, puis maintenant Musée canadien de l’Histoire). À la suite de ce contrat, elle publie Les tonneliers au Québec du XVIIe au XXe siècle.

C’est alors que Jean Hamelin, directeur du département d’histoire de l’Université Laval, l’approche pour qu’elle s’inscrive au doctorat en histoire. N’ayant pu terminer sa scolarité au Royaume-Uni à cause de la fermeture des universités pendant la guerre, elle n’a ni baccalauréat ni maîtrise. Jean Hamelin lui suggère alors de suivre quelques cours, de faire créditer son livre comme maîtrise et de s’inscrire au doctorat afin de travailler sur les chantiers navals à Québec. En 1977, à l’âge de 57 ans, elle entreprend donc ses recherches. Elle travaillera dessus pendant 8 ans, recevant son diplôme le jour même de son 65e anniversaire. Doctorat en main, elle décide d’adapter sa thèse en livre. Il lui faudra 5 ans avant de faire éditer son livre The Charley-Man, A History of Wooden Shipbuilding at Quebec, 1763-1893. Tous les éditeurs du Québec refusent de publier son livre et c’est finalement un éditeur de Kitchener (Ontario) qui le fera. Les années suivantes seront consacrées à traduire et adapter le livre en français. Entre-temps, elle obtient un contrat d’historienne. Son bureau se situe dans les locaux de la compagnie aux Chantiers Davie de Lévis. Elle y écrit son troisième livre portant sur Elizabeth Davie. Le livre est publié en anglais, puis adapté en français.

En 2013, Eileen Reid Marcil est approchée afin de parler aux élèves de secondaire 1 et 2 des chantiers maritimes. Elle publie alors cinq petits livres en français de 100 à 125 pages chez Gid. Un 6e est publié par un autre éditeur. En août 2020, alors qu’elle a 98 ans, elle publie un nouveau livre en anglais The PS Royal William : The First True Transatlantic Steamer. Elle travaille sur trois autres publications : une adaptation anglaise complète des livres pour le secondaire, une histoire de sa famille (les tomes des origines à 1920, puis de 1920 à 1945 étant parus, elle voudrait faire celle depuis 1945) et un ouvrage sur les tableaux de son époux, Georges Marcil.

Historienne chevronnée, madame Eileen Reid Marcil a remis à la Société d’histoire de Sillery deux grands miroirs dorés en provenance de la villa Bagatelle, et acquis lors d’un encan à la villa dans les années 1960, ainsi que l’ensemble de ses archives concernant la construction navale. La Société d’histoire de Sillery est depuis, une référence pour les recherches sur l’industrie de la construction maritime, tant au Québec qu’au Canada, mais aussi un peu partout dans le monde. Nous avons ainsi près de 200 livres traitant du sujet, mais aussi de sujets connexes comme l’histoire de la Lloyds, le commerce des navires entre la Grande-Bretagne et le Canada, tant en français qu’en anglais et en espagnol. Cette collection de livres, anciens et récents sont complétés par près d’un millier de dossiers sur les constructeurs navals, sur les armateurs, sur les métiers de la construction navale. Cela s’ajoute aux dizaines d’objets touchant les métiers de la construction navale qui nous ont été légués et qui devraient bientôt pouvoir faire l’objet d’une exposition permanente dans les locaux de la Société d’histoire de Sillery.

Depuis 2016, madame Eileen Reid Marcil a publié un nouveau livre, The PS Royal William (novembre 2020) et a encore d’autres livres en préparation. Une des grandes particularités de ses écrits est qu’elle fait une première version anglaise de l’ouvrage, puis en fait une deuxième version en français. Celle-ci n’est pas une traduction du premier, mais bien une adaptation du premier à la langue française. Souvent, les exemples utilisés et les illustrations diffèrent d’une langue à l’autre. Par exemple, les contrats utilisés dans la version anglaise sont ceux d’anglophones, alors que dans la version française, ce sont des contrats d’apprentis francophones.