Naissance d’une paroisse : Saint-Colomb-de-Sillery

Naissance d’une paroisse : Saint-Colomb-de-Sillery 

À la fin du XVIIe siècle (1669), à la suite des épidémies de petite vérole et à cause de l’insécurité face aux incursions iroquoises, la mission Saint-Joseph est lentement laissée à elle-même. Les jésuites vont alors fonder une nouvelle mission, cette fois plus dans les terres, sur la falaise dans la côte Saint-Michel. On y construit une chapelle et un jésuite vient y célébrer messes et sacrements pour les Hurons et les habitants des alentours. Cette mission devient paroisse en 1698, sous le nom de Sainte-Foy. Son premier prêtre résident, donc un prêtre séculier rattaché au Séminaire [des Missions étrangères] de Québec est Charles-Amador Martin, fil d’Abraham Martin. La paroisse Saint-Joseph de Sillery est alors abandonnée. Les habitants de Sillery doivent donc soit se rendre à l’église de Sainte-Foy (pour les habitants de la côte Saint-Ignace ou chemin Gomin et de la côte Saint-Michel ou chemin Sainte-Foy), soit à celle de Notre-Dame de Québec (pour ceux habitant les terres du Séminaire, à l’est de la pointe de Puiseaux).  

Avec l’arrivée des chantiers de bois dans les anses de Sillery, la population qui se trouve près du fleuve augmente. Ce phénomène est accentué avec l’arrivée des Irlandais. La longue route que doivent emprunter les ouvriers de Sillery pour aller au culte, associée à la hausse de la population, permet aux catholiques de l’actuel territoire de Sillery de demander l’érection canonique d’une nouvelle paroisse. La requête est envoyée aux autorités diocésaines au printemps 1847. Bien entendu, les autorités des paroisses de Sainte-Foy et de Québec s’opposent à la division de leur territoire et à la baisse de leurs revenus. Le projet initial ne concerne que les habitants des anses (95 % de la population) et prévoit la messe les dimanches et jours fériés dans l’école construite entre les chantiers LeMesurier et Sharples. 

Église Saint-Colomb de Sillery, [vers 1900], BAnQ Québec, Fonds J. E. Livernois, (03Q,P560,S1,P815),

Finalement, l’évêque permet que le culte puisse se faire dans les anses et impose la construction d’une chapelle. Il n’est toujours pas question qu’une paroisse soit ouverte pour desservir les quelque 2000 habitants du chemin du Foulon. Le choix de l’emplacement se fait sur la pointe à Puiseaux, là où se trouve la villa de Patrick McInenly. Le choix du lieu est surtout fait à cause de la disponibilité du terrain : McInenly est criblé de dettes et doit vendre son terrain. En juin 1847, tout est en place pour l’établissement d’une chapelle qui sera dédiée à saint Richard. L’évêque catholique devient, pour 600 livres, propriétaire d’une villa et d’un terrain au haut de la pointe. La villa peut alors être transformée en une chapelle. La population irlandaise étant majoritaire sur le territoire, le desservant (prêtre missionnaire qui n’habite pas le territoire, mais qui vient y célébrer le culte) est Peter Henry Harkin. 

Rapidement, les autorités, alertées par l’abbé Harkin, voient que la chapelle est trop vétuste, qu’elle doit être agrandie. En fait, les ouvriers catholiques de Sillery ont besoin d’une véritable église. Les démarches reprennent auprès de Mgr Turgeon, nouvel évêque de Québec, afin que le territoire soit doté d’une église, donc que soit créée une paroisse. L’abbé Harkin invite alors le vicaire général à visiter la chapelle lors d’une messe. Ce dernier ne peut que constater le manque d’espace. Le 16 novembre 1850, Mgr Turgeon autorise la construction, à côté de la chapelle Saint-Richard, d’une église de 120 pieds de longueur par 60 pieds de largeur. La hauteur prévue est de 30 pieds. Une sacristie est aussi prévue, alors que la chapelle redeviendra habitation puisqu’elle servira de presbytère. Le choix des maîtres d’œuvre se fait rapidement rapidement : choix de l’architecte (G.R. Browne), choix de l’entrepreneur (Michael Mernagh). Mais les travaux ne débutent qu’à l’automne 1852, la pierre angulaire quant à elle est posée en juin 1853. Les travaux ne seront pas encore terminés lorsqu’en novembre 1854, est célébrée la première messe. Puisque les Irlandais sont majoritaires dans la nouvelle paroisse et que le premier curé est aussi un Irlandais, la paroisse (et l’église) est dédiée à saint Colomb. 

Saint Colomb (ou saint Colomba. À ne pas confondre avec saint Colomban de Luxeuil) est un des principaux saints irlandais. Né en 521, il est fils de la famille royale des O’Neill. IL est baptisé sous le nom de Criamtham. Selon la tradition de l’Église irlandaise, il aurait fondé de nombreuses écoles et plusieurs monastères, d’où son nom de Colomba (fondateur de cellules ou colombe de l’Église). Installé sur l’île d’Iona en Écosse, il va passer sa vie à convertir les populations pictes de l’Écosse. Il meurt à l’abbaye d’Iona en 597. 

Les chantier Sharples et Dobell (1881). On voit l’église Saint-Colomb

La paroisse de Saint-Colomb est une paroisse très particulière. Elle est l’une des plus pauvres de la région de Québec puisque la grande majorité de ses habitants travaillent dans l’industrie du bois : surtout dans les chantiers de bois dans les anses de Sillery, mais aussi dans les quelques chantiers maritimes qui s’y trouvent aussi. Sa population est aussi l’une des rares à être bilingue puisqu’on y retrouve des Canadiens qui parlent français, et des Irlandais qui parlent l’anglais (et le gaélique). C’est aussi la première paroisse à avoir eu comme curé (son deuxième curé étant le cardinal Igniacio Persico, évêque de Savannah) un cardinal. Les messes à Saint-Colomb étaient dites en latin (comme dans toutes les églises catholiques), mais le prêche (ou sermon) était fait en anglais ou en français. 

De l’église de Saint-Colomb, dépendait aussi le cimetière paroissial sur le chemin Gomin (maintenant le boulevard René-Lévesque). Il est à noter que le cimetière irlandais St-Patrick sur le chemin Saint-Louis (créé en 1877) est une propriété de la paroisse St-Patrick. Jusqu’en 1900, le corbillard qui mène les morts de l’église de Saint-Colomb à son cimetière doit monter la côte (de l’Église ou maintenant de Sillery), tourner sur le chemin Saint-Louis en passant devant le cimetière protestant Mount Hermon, puis bifurquer, près de la villa Bagatelle (Spencer Cottage) sur le chemin Gomin jusqu’au cimetière. Une très longue route qui allonge le temps des funérailles. Le troisième curé, l’abbé Eustache Maguire fait construire, par une grande corvée, une route en prolongement de la côte. Tous les ouvriers catholiques des chantiers sont invités à y travailler, le dimanche après la grand-messe. Une exemption est alors donnée à ces ouvriers afin de ne pas être condamnés pour avoir travaillé le dimanche. 

Les ouvriers de la grande corvée du cimetière (1898). Source: SHS

La paroisse va donc se développer en même temps que se développe la Cité de Sillery (1856), devenant peu à peu plus francophone. Elle devient une «paroisse riche» dans les années 1920-1930 avec l’expansion de la zone urbaine au nord et à l’est, et l’arrivée d’une petite bourgeoisie. En 1944, la paroisse perd sa partie est au profit de la paroisse de Saint-Charles-Garnier. La partie ouest fera de même en 1953, au profit de la paroisse de Saint-Yves. Saint-Colomb redevient une paroisse pauvre, une paroisse d’ouvriers. Elle ne redeviendra une «paroisse riche» qu’avec la division des grands domaines du nord du chemin Saint-Louis et le développement du Sillery Garden dans les années 1960-1970. Ce sera pour peu de temps puisque c’est l’époque où s’amorce la chute de la pratique religieuse. 

En 1969, en pleine Révolution tranquille, la paroisse espère de nouveau être prospère. Des hauts fonctionnaires, avocats, juges, médecins, ingénieurs, professeurs de l’Université Laval, etc. font construire leurs maisons sur le territoire. Mais le nom de la paroisse n’est pas très attirant. Plusieurs parlaient de la paroisse «des colons». Le curé, Édouard Gariépy, demande alors que le nom de la paroisse revienne aux origines de la colonie, soit celle de Saint-Michel. Les Irlandais sont maintenant moins nombreux, le culte, la messe et les sermons se disent en français. La demande est aussitôt envoyée à Rome et acceptée. 

Avec la baisse de la pratique religieuse qui s’amorce dans les années 1980, la paroisse Saint-Michel-de-Sillery verra le nombre de ses pratiquants diminuer, la possibilité d’y avoir des prêtres à en faire autant. À la fin des années 2010, elle sera ensuite l’objet d’un regroupement avec les paroisses des alentours : Saint-Charles-Garnier et la paroisse du Très-Saint-Sacrement pour créer la paroisse de la Bienheureuse-Dina-Bélanger, puis d’une association ecclésiastique avec les prêtres de la paroisse de Saint-Thomas-d’Aquin. Elle reste quand même, avec son église au milieu de la falaise, un élément phare du paysage de la rive nord du fleuve à Québec. 

 

Bibliographie : 

Amis bretons de Colomban (1922). Qui était saint Colomban? https://www.lesamisbretonsdecolomban.fr/qui-etait-saint-colomban/ 

Dion-McKinnon, D. (1987). Sillery Au carrefour de l’histoire. Sillery, Boréal express et Vaugeois 

Lamontagne, P. A. (1952). L’histoire de Sillery 1630-1950. Sillery