Ces artistes d’ici et d’ailleurs : Joseph Légaré
Votre capsule historique hebdomadaire : Joseph Légaré !
Parmi le grand éventail de sources qui documente l’histoire de la ville de Québec, les arts visuels sont des outils pertinents à la bonne compréhension du passé. Joseph Légaré est un artiste qui, de son vivant, a marqué les esprits par son implication dans les affaires politiques de la ville. Avec du recul, l’ensemble de ses œuvres artistiques révèle une interprétation pertinente de ce qu’était la ville de Québec au début du 19e siècle.
Originaire de Québec, Joseph Légaré nait en mars 1795. Son père est cordonnier sur la rue Saint-Jean, mais devient plus tard un marchand prospère. À l’âge adulte, Joseph Légaré s’implique dans les affaires politiques de la ville et devient en parallèle un artiste autodidacte. En 1817, il achète une trentaine de tableaux religieux de la collection de Louis-Joseph Desjardins (1777-1848). Il décide de les nettoyer puis de les restaurer. Pour développer ses compétences de peinture, il entreprend la copie de ces œuvres. Cependant, cet intérêt pour l’art religieux n’est que le début puisque rapidement, Légaré commence à peindre des paysages de la ville de Québec. Considérant la popularité des portraits artistiques de l’époque, il se différencie des autres avec son style de peinture. De fait, il est l’un des premiers Canadiens français connus à peindre des paysages.
Légaré peint au total une soixantaine de paysages entre 1827 et 1855. Au total, sa production artistique s’élève à 250 peintures à l’huile. Il ouvre sa première galerie d’art en 1833. Celle-ci est toutefois emportée dans un incendie quelques années plus tard. Plusieurs historiens de l’art avancent que Légaré devançait les préférences de la clientèle du 19e siècle. L’historien de l’art John R. Porter explique que l’artiste « […] ne se contentait pas de refléter certaines facettes traditionnelles de la société québécoise en exécutant des portraits et des tableaux religieux ». Cela explique pourquoi il n’a pas vendu beaucoup d’œuvres de son vivant. Ainsi, Joseph Légaré s’est surtout démarqué par sa participation à la vie politique, culturelle et sociale de la ville de Québec. De fait, il dessine le sceau de la ville de Québec en 1833. À cette période, il est conseillé municipal.
Pour le peintre, ses peintures étaient sa façon personnelle d’apposer une image sur les évènements dont il était témoin. L’historien de l’art Didier Prioul explique que Légaré : « fut de ces peintres qui employèrent leur art pour témoigner ». Toutefois, d’autres historiens sont plus hésitants à analyser les évènements peints par Légaré en raison de ses allégeances politiques et sa subjectivité évidente. René Payant rappelle que Légaré était d’abord un artiste et que son œuvre était davantage une intervention créatrice qu’une reproduction exacte.
Musée des beaux-arts du Canada
Les peintures de Joseph Légaré sont révélatrices d’évènements qui sont observés par l’artiste « en temps réel ». Parmi les paysages peints par Légaré, certains représentent des moments de crise pour la ville. « Le choléra à Québec » est l’une des peintures les plus populaires de Joseph Légaré. L’ambiance sombre accentue l’effet dramatique que l’artiste a essayé de reproduire. La scène représentée se déroule dans la Haute-Ville. De fait, il est possible d’observer la façade de la cathédrale Notre-Dame, les maisons de la rue de Buade et celles de la rue Desjardins. Cette œuvre est une représentation personnalisée, mais très révélatrice de l’épidémie. Cette représentation funèbre témoigne du mal-être du peintre et de sa désolation de voir la ville atteinte aussi sévèrement. Légaré a également peint un tableau représentant l’incendie du quartier Saint-Roch le 28 mai 1845. En fait, il a peint deux tableaux de cet incendie, l’une avec la vue de la Côte-à-Coton vers l’ouest et l’autre avec la vue de la Côte-à-Coton vers l’est. Plusieurs historiens pensent que ce tableau a été peint la nuit suivant l’incendie, donc vers la fin du mois de mai 1845. À la différence des autres œuvres de Légaré illustrant des incendies, celle du faubourg Saint-Roch représente davantage les dommages de l’incendie. Cet évènement semble avoir énormément touché Légaré puisqu’il s’impliqua activement dans le Comité général pour le soulagement de ceux qui ont souffert par l’incendie du 28 mai 1845.
Collection du Musée national des beaux-arts du Québec
À travers ses œuvres, Joseph Légaré a présenté une nouvelle façon de voir l’art et surtout une nouvelle vision des toiles de type paysage. Rappelons qu’à une époque, les portraits et les représentations religieuses étaient préférés.
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Brève bibliographie
CAULFIELD, Jon. « Three Preconfederation Painters of the Canadian City. Part I: James Cockburn/Part III. Joseph Légaré ». Urban History Review/Revue d’histoire urbaine, 16,1 (1987), p.69-74 et 16,3 (1988), p.280-285.
PAYANT, René. « Joseph Légaré : Le peintre d’histoire(s) ». Lettres québécoises, 15 (1979), p. 66-67.
PORTER, John R. Joseph Légaré (1795-1855) : L’œuvre. Ottawa, Galerie nationale du Canada pour la Corporation des musées nationaux du Canada, 1978, 155 p.
PRIOUL, Didier. « Joseph Légaré, paysagiste ». Thèse de doctorat, Québec, Université Laval, 1993, 583 p.
SIMONEAU, Suzanne. « Joseph Légaré, un ironiste militant : contexte et portée satirique de paysage au monument à Wolfe ». Mémoire de maîtrise, Montréal, Université de Québec à Montréal, 2015, 214 p.